Changement de ligne

 

Je sais pas vous, mais en ce qui me concerne, la nouvelle campagne d’affichage Chanel a déjà atteint son objectif : ne pas passer inaperçue dans le métro parisien. Elle se fait remarquer mais pas là où on l’attendait. Entre la ligne 4 et la 10, Chanel a manifestement changé de ligne artistique pour nous secouer le train train quotidien.

Pour être belle, Mademoiselle, de l’aube au coucher, sous terre et sous les néons, il va falloir s’en prendre plein la poire.

Pas de tenue en tweed revisité, pas de regard de Kristen ou de Lily-Rose pour vous captiver, pas de flou artistique ou de chirurgie cosmétique : ici le produit est en première ligne, mis a nu et sans photoshop, sous des slogans d’avantage coup de poing que vernis à ongles.

La conjonction de ces images percutantes et des messages parfois « bord de quai  » a déjà suscité des réactions mitigées sur les réseaux soucieux de leur image. Les uns adhèrent et les autres grimpent, mais tout le monde embarque.

 

« Propagande » pas très communiste

 

DEFENSE DE NE PAS AFFICHER LE ROUGE, nous dit en substance le tube carmin dans le tunnel carrelé. Le but avoué est de joindre l’impératif à l’agréable :

LIBEREZ LE NATUREL pour du fond de teint, ça passe (en tout cas mieux que les cernes de mon voisin de gauche).

SOYEZ EGOISTE, pourquoi pas, dans le métro c’est de toute façon chacun pour soi.

NE SOYEZ PAS BELLE, SOYEZ SUBLIME, euh oui, deux secondes, il est huit heures quinze et je n’ai bu qu’un café.

Mais quand un parfum nous promet UNE CHANCE POUR TOUS, le tout en milieu urbain, on appelle ça du degré N°5.

On attend l’instagram avec le clodo qui dort sous Coco.

Mind the gap, comme on dit dans le tube londonien.

 

Andy, dis-moi oui !

 

Le Pop Art, dit Larousse, a porté son intérêt sur des images de la vie quotidienne urbaine et des mass médias (images publicitaires…). Cette mise en abime tape à l’oeil ne pourra vous échapper, même si vous dormez à moitié.

Rouge à lèvres, fragrances et autres « biens de première nécessité » sont présentés ici en noir sur fonds colorés très Warholiens. On est pas loin en effet de la boîte de soupe Campbell, le flacon est shooté dans son jus.

On appelle ça la culture de proximité. C’est très malin, et ce n’est pas un hasard.

On sait tous depuis belle lurette que parfums et cosmétiques nourrissent les travailleurs du luxe.

On sait aussi que Chanel a quitté depuis longtemps l’univers confiné de la rue Cambon.

On sait que les touristes (ou ce qu’il en reste) prennent aussi les transports en commun.

Il n’est donc pas si saugrenu de voir Coco descendre dans le métro pour séduire les usagers du luxe moderne, c’est à dire ceux qui vont au turbin (en 2016, on dit au taf).

 

Métro, Coco, vaporetto, mais pas dodo

 

Ce virage « Popu Arty » est pourtant loin d’être fini, puisqu’entre une présentation de collection shootée et mise en collages par Karl Lagerfeld  façon Gilbert & George, une campagne eyewear avec Willow Smith en sosie féminin de Basquiat et une présence à la prochaine Biennale de Venise dans une expo autour de Gabrielle Chanel, l’offensive #CultureChanel voulue par la maison est loin d’être arrivée à destination.

A l’arrivée, on ne va quand même pas se plaindre que de Kenzo (avec son court métrage décoiffant) à Chanel, la mode se remue un peu autre chose que les cheveux pour nous vendre du rêve aux heures de pointe.

Allez là-dessus, tous au boulot…

Bonus/le détail qui tue : Il paraît qu’il vont distribuer des échantillons gratuits, Mademoiselle !