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Un peu d’imagination et 948 pots de Play-Doh plus tard…

Connaissez-vous quelqu’un qui a frôlé le burn out pour avoir passer trop d’heures à faire de la pâte à modeler ? Cette personne existe vraiment. Elle s’appelle Natasha Olive. Convaincue que la publicité n’était pas un métier pour elle, cette jeune assistante s’apprêtait à quitter l’agence DDB quand un projet fou l’a retenue. Une campagne pour Play-Doh. L’idée ? Modeler trois décors oniriques, sortis de la tête de deux créatifs chevronnés.

« C’était une idée que Jean-François (Bouchet, concepteur-rédacteur) avait en tête depuis longtemps. Le groupe Hasbro, auquel appartient Play Doh, était un ancien client de l’agence. Nous l’avons recontacté pour lui en parler. » raconte Emmanuel Courteau, directeur artistique chez DDB. Un projet qui consiste à mettre en relief l’univers merveilleux de la pâte à modeler avec des sujets de société beaucoup plus graves, comme la diversité ou l’extinction des espèces animales. Une façon de toucher en même temps les petits, et les grands.

Coup de chance, Play-Doh vient de choisir une nouvelle signature, dans laquelle s’inscrit parfaitement la campagne : «  Open a can of imagination ». L’idée fait mouche. « On travaillait sur nos maquettes avec l’aide de Rémi Picard, jeune recrue de l’agence passionné d’animation, quand Natasha nous a vu faire. Elle nous a proposé son aide. On avait besoin d’une petite fleur, elle a attrapé un bout de papier crépon et l’a transformé en la plus jolie des fleurs. Elle a passé les 14 mois qui ont suivi à modeler de la pâte avec nous ».

948 pots de pâte à modeler plus tard, 71 personnages, 15 arbres et 25 483 brins d’herbe ont vu le jour. « On ne s’en rend pas compte comme ça mais chaque arbre représente 2 à 3 jours de travail. En moyenne, on a dû les refaire 8 fois chacun. On a tâtonné, on est passé par du modelage à plat, puis en volume pour que les pièces prennent mieux la lumière, on a monté les pièces en écaille pour les superposer, imaginé des camaïeux de couleurs pour que le résultat soit plus travaillé… » détaille-t-il, intarissable. Il a fallu 4 mois de production pour accoucher du premier visuel ! Ce papa de 4 enfants en parle comme s’il en était encore un. « Ma fille aînée était déjà fière de dire que son papa faisait des pubs pour du fromage, alors là forcément… ».

Emmanuel Courteau a gagné une douzaine de Lions à Cannes, mais ce qui fait sa fierté c’est ce qu’il a façonné de ses propres mains. « Si j’ai choisi ce métier, c’est parce que j’aime faire des choses ». La campagne Léon Vivien pour le Musée de la Grande Guerre bien sûr, mais aussi des maquettes de films. « On avait créé des petits décors en papier pour réaliser un film en stop motion pour l’INPES, d’autres en volume qu’on avait shootés avec un bel éclairage studio à la façon du Petit Prince pour L’Occitane ». Ces projets-là n’étaient que des coups d’essai pour convaincre leurs clients du bien fondé d’une idée. Cette fois, ils ont mis les mains à la pâte pour une « vraie » campagne.

Affichée en 4×3 au Forum des Halles ou à la Défense, elle prend doucement son envol. Ce n’est qu’un début, dès septembre prochain, elle devrait même faire des petits, sur la toile cette fois. Une belle récompense pour toutes les paires de mains qui ont œuvré à la création de ce qui ressemble bien à un rêve d’enfants : des 4 protagonistes au photographe, Marc Da Cunha Lopes, qui a shooté bénévolement la campagne. « À l’agence, on nous appelait le Studio Tourette, tout le monde nous prenait pour des fous. On a monopolisé une salle de réunion au 4ème de l’agence avant d’être relégué à la cave puis de s’installer aux services généraux. » De retour à son bureau, au 3ème étage, on sent déjà le créatif à l’affût de son prochain chantier.